Activité partielle
Quel est le bon traitement comptable ?

Face à la crise actuelle du Covid-19, le recours au dispositif d’activité partielle pour les entreprises a été facilité par les dernières mesures de soutien du Gouvernement visant à maintenir les emplois. Comment comptabiliser le produit

Par PwC, auteur du Mémento Comptable

Dans le contexte actuel de crise sanitaire conduisant la très grande majorité des entreprises à réduire leur activité, de récents textes ont permis d’assouplir la procédure de recours au dispositif d’activité partielle, tout en étendant son champ d’application et en augmentant le plafond des indemnisations. Grâce à ce cadre juridique favorable, plus de 220 000 entreprises ont ainsi déjà déposé une demande à ce titre.

Quelques rappels utiles pour le raisonnement comptable

Toute entreprise souhaitant recourir au dispositif d’activité partielle dispose d’un délai de 30 jours à compter de la mise en activité partielle de ses salariés pour adresser sa demande à l’administration. Ce qui signifie qu’un employeur peut mettre en place l’activité partielle sans avoir obtenu l’autorisation.

L’administration a ensuite 2 jours à compter de la réception de la demande complète d’autorisation pour instruire le dossier (Décret 2020-325 du 25-3-2020, voir le FRC 5/20 à paraître). L’absence de décision à l’expiration de ce délai vaut acceptation implicite de la demande.

Des contrôles a posteriori pourront être réalisés par l’administration, laquelle se donne la possibilité de remettre éventuellement en cause le recours à ce dispositif par l’employeur qui en a bénéficié et de demander la restitution intégrale des sommes antérieurement versées à l’employeur.

Pour en savoir plus sur ce dispositif : voir le FRC 5/20 à paraître

Plusieurs questions se posent. A quelle date comptabiliser le produit d’indemnisation ? Doit-on provisionner le coût de l’activité partielle pour l’employeur ?

L’exemple répond à ces questions.

Soit trois sociétés A, B et C :

A B C
Date de clôture des comptes 31 décembre 2019 31 mars 2020 30 avril 2020
Date d’arrêté des comptes 30 juin 2020 30 septembre 2020 31 octobre 2020

 

Depuis le 15 mars 2020, les sociétés A, B et C ont recours au dispositif du chômage partiel. Au 30 juin, le coût total de l’indemnité versée aux salariés au titre des salaires est de 1 000 K€ et l’allocation reçue de 900 K€, soit un coût non indemnisé de 100 K€ (correspondant à la quote-part des indemnités d’activité partielle non remboursées relatives à des salariés dont la rémunération est supérieure à 4,5 fois le SMIC).

Par souci de simplification, la succession des événements détaillée ci-après est identique pour les trois sociétés :

– le 31 mars 2020 : dépôt de la demande d’autorisation de mise en œuvre du dispositif d’activité partielle dans le respect du délai légal de 30 jours ;

– le 2 avril 2020 : la société n’a reçu aucune réponse à sa demande. Le délai d’instruction étant échu, la société considère, à juste titre, que cette absence de décision vaut acceptation implicite de sa demande ;

– le 10 avril 2020, la société procède à sa demande mensuelle de remboursement au titre de l’allocation d’activité partielle pour la période allant du 15 au 31 mars 2020 ;

– le 30 avril 2020, la société reçoit le remboursement de l’allocation d’activité partielle au titre du mois de mars 2020.

Société A (clôture décembre 2019) – Quelle information donner en annexe ?

Concernant les entités clôturant leurs comptes au 31 décembre 2019, l’épidémie et ses conséquences sont des événements postérieurs à la clôture de l’exercice sans lien direct avec des conditions existant à la clôture (voir le FRC 5/20 à paraître).  Le chômage partiel suite à l’épidémie est donc un événement post-clôture qui n’est pas de nature à ajuster les comptes clos au 31 décembre 2019.

Il doit toutefois donner lieu à des informations adaptées en annexe.  Au cas particulier, la société A pourra indiquer, au titre des événements postérieurs à la clôture :

– que dans le cadre de la mesure gouvernementale de confinement, elle a dû suspendre temporairement son activité et a eu recours au dispositif d’activité partielle à partir du 15 mars 2020 ;

– qu’au 30 juin, elle a enregistré une charge totale au titre des indemnités versées aux salariés de 1 000 K€ et reçu une allocation totale de la part de l’Etat de 900 K€.

A noter : S’il s’avérait que le retour à l’activité normale ne soit pas rétabli à la date d’arrêté des comptes, l’annexe pourrait être complétée du coût supplémentaire auquel elle s’attend sur 2020, estimé en fonction des informations à sa disposition à cette date.

Si la société a des doutes sur son éligibilité au dispositif, elle doit évaluer la probabilité d’avoir à rembourser les sommes perçues de l’Etat dans le cadre du dispositif d’activité partielle (voir ci-après, société C sur le risque en cas de contrôle a posteriori de la part de l’administration).

Société B (clôture mars 2020) – Comment comptabiliser le coût de l’activité partielle de mars ?

Comptabilisation de la charge liée aux salaires de mars

A la clôture de l’exercice, la société B constate dans ses comptes l’indemnité versée aux salariés concernés par l’activité partielle du 15 au 31 mars 2020 au débit du compte 6414 « Indemnités et avantages divers » et la ventile en contrepartie :

– au crédit du compte 421 «Personnel – Rémunérations dues » pour le montant net à payer après déduction des cotisations salariales (notamment CSG et CRDS) ;

– au crédit des comptes de dettes sociales correspondants pour le montant des cotisations salariales.

L’indemnité légale d’activité partielle est exonérée de cotisations de sécurité sociale, mais soumise à la CSG/CRDS. L’employeur peut verser une indemnité complémentaire au titre d’un accord collectif ou d’une décision unilatérale de l’employeur. Selon les dernières annonces de la Ministre du Travail, ce complément sera aussi exonéré de cotisations de sécurité sociale et soumis à la CSG/CRDS.

Comptabilisation du produit de l’allocation versée par l’Etat au titre des salaires de mars

Il est prudent, à notre avis, de considérer que nombre de dossiers acceptés par l’administration dans l’urgence de la situation pourraient, lors de futurs contrôles, être remis en cause. En effet, les conditions à respecter pour pouvoir entrer dans le dispositif sont peu précisées par la documentation administrative et donc sujettes à discussion entre l’entreprise et l’administration en cas de contrôle a posteriori.

L’entité doit donc, à notre avis, dès la mise en place du chômage partiel, être en mesure de justifier du respect des conditions et juger si elle a droit ou non à l’indemnité.

Deux cas de figures sont alors possibles :

Premier cas de figure. La société pense respecter les conditions prévues par les textes et n’a aucun doute, à la clôture, sur l’autorisation de l’administration. A la clôture de l’exercice de la société B, le produit résultant de la demande d’autorisation d’activité partielle au titre de la période allant du 15 au 31 mars 2020 devrait pouvoir, à notre avis, être comptabilisé dès le dépôt du dossier auprès de l’administration, sans attendre son autorisation ni le versement de l’allocation. En effet, il répond aux critères de comptabilisation d’un produit :

– il est certain dans son principe, le dossier étant déposé (le 31 mars) et les conditions pour bénéficier du dispositif étant vérifiées (mise en chômage partiel du fait du confinement, impossibilité d’utiliser d’autres moyens tel que le télétravail pour gérer son activité…) ;

– il est certain dans son montant et acquis à l’exercice, les salaires à indemniser étant constatés en charges à la clôture.

Dans ce cas de figure, le produit correspondant à l’indemnité due au titre de l’exercice devra être comptabilisé, en même temps que les indemnités versées aux salariés :

– au débit du compte au débit du compte 443 « Opérations particulières avec l’État » ;

– par le crédit du compte de charges 6414 précité.

Sur l’information à donner en annexe au titre du coût de l’activité partielle enregistré sur 2020, voir ci-avant.

Deuxième cas de figure. La société a des doutes à la clôture sur le fait de respecter les conditions et sur l’autorisation de l’administration. Dans ce cas, le produit ne devrait pas être comptabilisé. En effet, tant que le délai d’instruction de l’administration n’est pas encore expiré (dans cet exemple, le 2 avril), l’administration a la faculté de rejeter sa demande.

Le produit n’est, dans ce cas, que probable à la clôture et (à l’inverse des charges probables) un produit probable ne peut pas être comptabilisé (C. com. art. L 123-21), même si des événements survenus entre la date de clôture et la date d’arrêté des comptes rendent le produit certain (au cas particulier, même si la société B obtient l’autorisation de l’administration).

Dans ce cas, une information en annexe peut être nécessaire (voir Mémento Comptable n° 52520 II.). Sur l’information à donner en annexe au titre du coût de l’activité partielle enregistré sur 2020, voir ci-avant.

Absence de provision au titre du coût de l’activité partielle à partir d’avril et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire

Aucune provision ne devrait être comptabilisée à la clôture au titre du coût attendu d’activité partielle après mars 2020. En effet :

– l’indemnité (sortie de ressources) a une autre contrepartie pour l’entreprise, puisque la mise en activité partielle lui permet de conserver son personnel et de redémarrer immédiatement son activité lorsque les conditions économiques le permettront (PCG art. 322 s. ; voir Mémento Comptable n° 48240) ;

– les salariés n’ont acquis aucun droit à être payés sans travail effectif à la clôture de l’exercice (contrairement aux jours de RTT ou de congés payés).

Société C (clôture avril 2020) – Comment apprécier le risque de remise en cause (a postériori) du recours au dispositif d’activité partielle ?

Pour la société C, qui a reçu son premier versement de l’Etat, la question de l’acquisition du produit ne se pose pas. A la clôture, elle comptabilise obligatoirement le produit de l’allocation reçu au titre des salaires de mars et avril (voir ci-avant le schéma comptable, cas 1).

En revanche, lors de contrôles qui seront réalisés a postériori, l’administration se réserve le droit de pouvoir remettre en cause le recours au dispositif d’activité partielle et demander le remboursement par l’employeur des allocations d’activité partielle qui lui ont été versées à tort.

Pour les exercices clos en 2020, les situations à risques les plus susceptibles d’être rencontrées à la clôture sont les suivantes :

– absence de vérification en cours mais infractions aux règles certaines ou probables ;

– procédure de contrôle de l’administration en cours, mais non terminée à la clôture.

Les conséquences comptables découlant de ces situations doivent, à notre avis, être appréhendées comme pour les risques fiscaux (voir Mémento Comptable n° 53260 et 53265).

Ainsi, si la société C n’a aucun doute sur le respect des conditions pour bénéficier du dispositif de l’activité partielle, elle n’a pas d’obligation à la clôture.

En revanche, si elle a des doutes sur son éligibilité au dispositif (communication ultérieure de l’administration précisant les conditions, rapport d’un expert indépendant, faits semblables dans la branche d’activité ou une société du groupe…), elle doit évaluer la probabilité de sortie de ressources à la clôture :

Absence de vérification en cours Procédure de contrôle de l’administration en cours à la clôture
Appréciation de la sortie de ressources La sortie de ressources s’apprécie en fonction :

– des arguments de la société et donc de ses chances de succès en cas de contentieux avec l’administration

– du risque de détection (c’est-à-dire la probabilité de subir un contrôle)

 

La sortie de ressources s’apprécie en fonction :

– des arguments de la société et donc de ses chances de succès en cas de contentieux avec l’administration

 

Conséquences comptables Si la sortie de ressource est probable à l’arrêté des comptes, une provision doit être comptabilisée à la clôture – Si la sortie de ressources probable peut être chiffrée avec une précision suffisante, une charge à payer doit être constatée en compte 448600

– Si la sortie ne peut être estimée avec une précision suffisante, une provision pour risques doit être constituée en compte 151800

 

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Comptable n° 16900

Pour en savoir plus sur les conséquences du Coronavirus pour les entreprises et leurs salariés, les questions qu’elles posent et les réponses à y apporter : retrouvez notre Dossier spécial Coronavirus (Covid-19) alimenté en temps réel

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© Editions Francis Lefebvre – La Quotidienne

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